Published on March 12, 2024

Le patriotisme économique est rentable, à condition d’être stratégique et de dépasser le simple réflexe d’investir dans ce qui nous est familier.

  • Les fleurons québécois (aéronautique, hydroélectricité) offrent des points d’entrée souvent indirects mais solides (fournisseurs, obligations).
  • Les fonds de travailleurs comme Fondaction et FTQ sont un outil fiscal puissant, mais leur rendement doit être analysé sur le long terme en incluant les frais et le manque de liquidité.

Recommandation : Analysez votre portefeuille pour quantifier votre « biais domestique » et assurez-vous qu’au moins 75 % de vos placements sont diversifiés à l’échelle mondiale pour une croissance saine et résiliente.

L’envie d’investir son argent « chez nous » est un réflexe puissant pour de nombreux épargnants québécois. Soutenir les entreprises d’ici, participer à la croissance de nos industries phares comme l’aéronautique ou les technologies propres, et voir son capital travailler pour l’économie locale est une idée séduisante. Spontanément, on pense aux fonds de travailleurs comme le Fonds de solidarité FTQ ou Fondaction, reconnus pour leurs crédits d’impôt avantageux. On songe aussi aux grands noms qui font la fierté du Québec, en se demandant comment prendre part à leur succès.

Pourtant, cette approche, si elle part d’une bonne intention, frôle souvent une erreur coûteuse que les conseillers financiers nomment le « biais domestique ». Se concentrer excessivement sur les placements locaux, c’est comme ne mettre que des produits de son potager dans son assiette : c’est bon, mais on risque des carences. Le véritable défi n’est pas de choisir entre investir au Québec ou à l’international, mais de construire une stratégie où l’investissement local devient un avantage calculé plutôt qu’un pari sentimental.

La clé n’est donc pas de savoir s’il faut investir localement, mais *comment* le faire intelligemment. Il s’agit de comprendre les véritables mécanismes pour s’exposer aux géants comme Hydro-Québec, d’évaluer l’arbitrage réel entre le crédit d’impôt d’un fonds de travailleur et le rendement d’un FNB mondial, et surtout, de quantifier et maîtriser le risque lié à une surconcentration géographique. Cet article est conçu pour vous guider vers un patriotisme économique éclairé, en vous donnant les outils pour aligner vos placements avec les forces du Québec, sans sacrifier la diversification et la performance de votre patrimoine.

Pour naviguer avec clarté dans l’écosystème d’investissement québécois, cet article est structuré pour aborder chaque opportunité et chaque risque de manière distincte. Vous découvrirez comment analyser les secteurs clés, comprendre les véhicules d’investissement spécifiques au Québec et, finalement, intégrer ces actifs de manière équilibrée dans votre stratégie globale.

Pourquoi investir dans l’aéronautique québécoise reste pertinent malgré les turbulences ?

Le secteur aéronautique québécois, incarné par le programme A220 d’Airbus à Mirabel, a connu des défis importants, notamment des retards de production et des pertes financières pour ses investisseurs initiaux. Cependant, écarter ce secteur sur la base de ces turbulences serait une erreur d’analyse. La vision à long terme révèle une santé robuste, soutenue par une demande mondiale croissante pour des appareils de nouvelle génération, plus économes en carburant. Le véritable indicateur de la pertinence de ce secteur n’est pas sa rentabilité passée, mais son carnet de commandes futur.

La preuve la plus tangible de cette vitalité réside dans la confiance renouvelée des plus grandes compagnies aériennes. Selon les dernières données d’Airbus, le carnet de commandes fermes pour l’A220 dépasse les 900 commandes fermes pour l’A220 avec 380 appareils déjà livrés, assurant des années de production à plein régime pour les usines de Mirabel. Cette demande soutenue irrigue tout un écosystème de PME et de fournisseurs spécialisés à travers le Québec, offrant des opportunités d’investissement bien au-delà d’Airbus elle-même.

L’investisseur intelligent ne cherche pas à acheter des actions d’Airbus directement, mais plutôt à s’exposer à cet écosystème florissant. Il s’agit d’une stratégie d’exposition indirecte. Par exemple, l’expansion d’entreprises comme Avianor, qui a investi massivement dans un centre de maintenance dédié à l’A220, démontre la profondeur du secteur. Cette société est un maillon essentiel de la chaîne de valeur, assurant la maintenance des appareils vendus.

Étude de cas : L’expansion d’Avianor grâce à l’A220

Avianor a inauguré en novembre 2023 un centre de maintenance de 70 millions de dollars dédié aux A220, situé à 1 km des installations d’Airbus à Mirabel. Ce centre a déjà sécurisé 3 des 4 plus grands opérateurs nord-américains d’A220, dont Air Canada, assurant une activité à plein régime pour les deux prochaines années avec 300 techniciens dédiés. Ceci illustre comment un investissement dans un fournisseur clé peut être une façon plus ciblée de miser sur le succès d’un programme aéronautique.

Plan d’action : S’exposer au secteur aéronautique québécois

  1. Analyser les fournisseurs directs : Identifiez les entreprises québécoises cotées en bourse qui sont des fournisseurs de premier rang pour l’A220, comme Héroux-Devtek pour les trains d’atterrissage.
  2. Utiliser les FNB sectoriels : Considérez des fonds négociés en bourse comme le iShares S&P/TSX Capped Industrials Index ETF (XIN), qui inclut une exposition au secteur aéronautique canadien plus large.
  3. Suivre les contrats de maintenance : Surveillez les entreprises comme Avianor, dont la croissance est directement liée au nombre d’A220 en service, offrant une visibilité à long terme.
  4. Explorer la chaîne d’approvisionnement : Évaluez les opportunités au sein des quelque 300 PME qui composent la grappe aérospatiale du Grand Montréal, souvent via des fonds de capital de risque spécialisés.
  5. Évaluer la cohérence : Assurez-vous que le niveau de risque de ces placements (actions individuelles, FNB) correspond à votre profil d’investisseur avant de vous engager.

Ainsi, investir dans l’aéronautique québécoise en 2024 n’est pas un pari sur le passé, mais une décision stratégique basée sur un écosystème dynamique et un carnet de commandes qui garantit une activité soutenue pour la décennie à venir.

Comment investir dans des fonds Fondaction ou FTQ pour soutenir l’économie québécoise ?

Les fonds de travailleurs, tels que le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction (CSN), représentent le véhicule d’investissement local le plus connu des Québécois. Leur principal attrait réside dans le généreux crédit d’impôt de 30 % (15 % du gouvernement provincial et 15 % du fédéral) sur un maximum de 5 000 $ de cotisation annuelle. Cet avantage fiscal immédiat de 1 500 $ est un puissant incitatif, mais il ne doit pas occulter une analyse plus complète du produit.

Ces fonds canalisent l’épargne des travailleurs vers le capital de PME québécoises, jouant un rôle crucial dans le financement de l’économie réelle. En y investissant, vous participez directement au développement d’entreprises d’ici qui n’ont pas toujours accès aux marchés boursiers traditionnels. C’est l’incarnation du patriotisme économique éclairé : votre argent soutient des emplois et de l’innovation au Québec. Le Fonds de solidarité FTQ, par exemple, représente un poids économique considérable, avec 21,9 milliards de dollars d’actifs nets et plus de 808 000 épargnants, démontrant la puissance de ce modèle collectif.

Schéma conceptuel montrant le flux d'investissement des fonds de travailleurs vers les PME québécoises
Written by Marc Gagnon, Marc Gagnon est conseiller en développement économique régional depuis 16 ans, titulaire d'un MBA de HEC Montréal et d'une formation en développement territorial, actuellement directeur du développement économique dans une municipalité régionale de comté des Cantons-de-l'Est. Il accompagne les entrepreneurs et PME manufacturières dans leur croissance, leur accès au financement et leur transition écologique.