Published on March 15, 2024

L’action climatique efficace au Québec ne consiste pas à tout faire parfaitement, mais à cibler stratégiquement les gestes qui comptent vraiment, tout en protégeant sa santé mentale.

  • Réduire sa consommation de viande a un impact climatique largement supérieur à la plupart des autres gestes individuels, comme le tri des déchets.
  • L’action collective à l’échelle du quartier est l’un des plus puissants antidotes au sentiment d’impuissance et à l’éco-anxiété.

Recommandation : Commencez par évaluer votre propre niveau d’éco-anxiété pour bâtir un plan d’action qui soit à la fois impactant et soutenable pour vous sur le long terme.

Vous ressentez ce poids sur les épaules ? Ce mélange d’urgence, de tristesse et de frustration face aux nouvelles climatiques, suivi d’une culpabilité lancinante à chaque achat, chaque déplacement ? Vous n’êtes pas seul. Ce sentiment, l’éco-anxiété, est une réaction saine et normale à une situation anormale. Beaucoup de citoyens québécois, conscients de l’enjeu, se retrouvent paralysés. D’un côté, l’ampleur de la tâche semble insurmontable, nourrissant un sentiment d’impuissance. De l’autre, la pression sociale et personnelle nous pousse vers une quête de perfection écologique épuisante, où chaque écart est vécu comme un échec.

Face à cela, les conseils habituels oscillent entre deux extrêmes. Il y a la liste des “petits gestes” – trier, composter, utiliser des sacs réutilisables – qui, bien qu’utiles, peuvent sembler dérisoires face à la crise. Et puis il y a l’injonction à un mode de vie radical, le zéro déchet absolu, le véganisme militant, qui peut paraître inaccessible et décourageant pour la majorité d’entre nous. Mais si la véritable clé n’était ni dans l’éparpillement de petits efforts, ni dans une perfection paralysante ? Et si la solution résidait dans une approche plus stratégique, presque chirurgicale, de notre engagement ?

Cet article propose un changement de perspective. Au lieu de vous demander “comment tout faire ?”, nous vous aiderons à répondre à la question : “quelle est l’action la plus impactante que je peux entreprendre et, surtout, soutenir durablement ?”. Nous allons déconstruire les fausses dichotomies entre action individuelle et changement systémique, identifier les leviers d’action les plus puissants spécifiques au contexte québécois, et vous donner des outils concrets pour agir efficacement tout en prenant soin de votre santé mentale. Car un écologiste épuisé est un militant de moins. Il est temps d’opter pour l’action ciblée, l’engagement joyeux et la transition sereine.

Ce guide est structuré pour vous accompagner pas à pas, des actions individuelles à plus fort impact jusqu’aux stratégies pour influencer les politiques publiques, tout en vous donnant les clés pour gérer l’aspect psychologique de cet engagement.

Pourquoi réduire votre consommation de viande a 10 fois plus d’impact que trier vos déchets au Québec ?

Dans la quête de l’action individuelle la plus efficace, une vérité émerge clairement des données : notre alimentation, et plus précisément notre consommation de protéines animales, représente un levier d’action climatique extraordinairement puissant. Bien plus que le recyclage ou la réduction des plastiques à usage unique. Au Québec, cette réalité est particulièrement marquée. En effet, une analyse du CIRAIG (Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services) a révélé que plus de 52% de l’empreinte carbone alimentaire des Québécois provient des protéines animales, alors que celles-ci ne représentent que 18% de leur régime alimentaire.

Ce chiffre illustre un principe de Pareto écologique : une petite partie de notre consommation est responsable d’une part énorme de notre impact. L’élevage, en particulier celui des bovins, est un grand émetteur de gaz à effet de serre (GES) très puissants comme le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), en plus de requérir d’immenses surfaces de terre et de grandes quantités d’eau. Se concentrer sur ce point, c’est donc s’attaquer à la racine d’une part significative de notre empreinte personnelle. L’idée n’est pas d’imposer un changement radical du jour au lendemain, mais de prendre conscience de ce levier et d’amorcer une transition à son propre rythme.

Passer d’une consommation quasi quotidienne de viande rouge à quelques fois par mois, en la remplaçant par du poulet local, du porc du Québec ou, encore mieux, par des protéines végétales, a un impact mesurable et immédiat. C’est une action concrète qui ne dépend que de vos choix à l’épicerie et dans votre cuisine. Voici quelques pistes pour commencer :

  • Remplacer progressivement : Commencez par remplacer le bœuf par du poulet de grain du Québec ou du porc local. Leur empreinte est déjà significativement plus faible.
  • Intégrer les légumineuses : Lentilles, pois chiches, haricots noirs… Le Québec produit d’excellentes légumineuses. Essayez de les intégrer dans deux ou trois repas par semaine.
  • Explorer les alternatives locales : De nombreuses entreprises québécoises comme Gusta ou Vegeat proposent des substituts de viande savoureux et de plus en plus accessibles.
  • Soutenir l’agriculture locale : En vous abonnant aux paniers bio d’Équiterre, vous soutenez non seulement une agriculture de proximité, mais vous découvrez aussi une plus grande variété de légumes qui peuvent devenir la base de vos repas.
  • Choisir un élevage durable : Si vous continuez à consommer de la viande, privilégiez les fermes d’élevage régénératif qui séquestrent le carbone dans les sols.

Adopter une approche flexitarienne optimisée “à la québécoise” est l’une des contributions les plus significatives que vous puissiez faire, sans nécessiter d’investissement financier ni de changement de vie drastique, juste une évolution progressive de vos habitudes culinaires.

Comment créer ou rejoindre un cercle de transition écologique dans votre quartier québécois ?

Face à l’immensité de la crise climatique, le sentiment d’impuissance est un obstacle majeur. Agir seul peut sembler décourageant, mais l’union fait la force, surtout à l’échelle locale. Créer ou rejoindre un “cercle de transition” dans votre quartier est l’un des antidotes les plus efficaces à la paralysie éco-anxieuse. Il transforme une préoccupation individuelle en un projet collectif, visible et gratifiant. L’objectif n’est pas de refaire le monde, mais d’améliorer concrètement un petit coin de celui-ci : votre rue, votre ruelle, votre parc.

Ces initiatives citoyennes renforcent le tissu social, créent un sentiment d’appartenance et, surtout, produisent des résultats tangibles qui nourrissent la motivation. Un projet de composteur collectif, une ruelle verte, un jardin communautaire ou un système d’achats groupés de produits locaux sont autant d’exemples qui ont un impact direct sur l’environnement et la qualité de vie. Le Québec, avec sa forte culture de la vie de quartier, est un terreau fertile pour de telles initiatives. De nombreuses municipalités offrent même des subventions pour soutenir ces projets citoyens.

Groupe de voisins créant une ruelle verte dans un quartier résidentiel de Montréal
Written by Caroline Tremblay, Caroline Tremblay est démographe et analyste des politiques publiques depuis 14 ans, titulaire d'un doctorat en démographie de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) et actuellement chercheuse principale dans un centre de recherche universitaire montréalais spécialisé dans les dynamiques de population. Elle analyse les transformations démographiques québécoises et leurs impacts sur les politiques sociales pour des organismes gouvernementaux et municipalités.