Published on May 17, 2024

Passer de simple visiteur à gardien actif des milieux naturels québécois est non seulement possible, mais essentiel pour leur survie.

  • L’érosion des sentiers et le stress de la faune sont les symptômes d’une pression touristique qui dépasse la capacité de charge de nos écosystèmes.
  • Appliquer les principes Sans trace est la base, mais l’approche régénérative vous invite à poser des gestes concrets qui améliorent la santé des lieux que vous visitez.

Recommandation : Pour votre prochaine sortie, identifiez une occasion de contribuer, que ce soit en choisissant une destination moins connue, en ramassant un déchet qui n’est pas le vôtre ou en partageant vos connaissances sur les pratiques respectueuses.

Chaque année, l’appel des grands espaces québécois résonne plus fort. Nous sommes nombreux à vouloir nous immerger dans la majesté d’une forêt boréale, à suivre le tracé d’une rivière tumultueuse ou à atteindre un sommet pour y contempler un panorama à couper le souffle. Cette passion pour notre territoire est une richesse. Pourtant, sans que nous en ayons toujours conscience, notre présence collective laisse des marques profondes sur ces écosystèmes que nous chérissons tant. On nous répète souvent les conseils de base : “rapportez vos déchets”, “ne nourrissez pas les animaux”. Ces règles sont fondamentales, mais elles ne sont plus suffisantes.

Face à la popularité croissante de nos parcs et réserves, une simple approche de “non-destruction” atteint ses limites. La question n’est plus seulement de savoir comment minimiser notre impact négatif. La véritable question, celle qui définit l’amoureux de la nature d’aujourd’hui, est : comment notre passage peut-il devenir une force positive ? Comment pouvons-nous activement contribuer à la santé et à la résilience de nos espaces naturels ? C’est le passage du tourisme responsable au tourisme régénératif. Il ne s’agit pas de se culpabiliser, mais de se responsabiliser en adoptant une nouvelle éthique du visiteur, fondée sur la connaissance, le respect et l’action.

Cet article vous propose une feuille de route pour transformer votre pratique du plein air. Nous verrons ensemble pourquoi nos gestes comptent, comment maîtriser les savoir-faire essentiels, et surtout, comment devenir un acteur de changement, une sortie à la fois. Nous explorerons les causes de la dégradation, les solutions pratiques pour y remédier et les occasions de vous impliquer concrètement dans la protection de notre capital naturel.

Pourquoi les sentiers du parc du Mont-Tremblant s’érodent 5 fois plus vite qu’il y a 10 ans ?

La réponse tient en deux mots : pression anthropique. L’augmentation exponentielle de la fréquentation, combinée à une méconnaissance des dynamiques du terrain, accélère dramatiquement la dégradation. Un sentier n’est pas une simple trace au sol ; c’est une infrastructure fragile, surtout sur les sols minces et acides du Bouclier canadien. Lorsqu’un sol est saturé d’eau, chaque pas agit comme un pilon, compactant la terre, détruisant la végétation et créant des rigoles qui vont s’agrandir à la prochaine averse. C’est un cercle vicieux : le sentier s’élargit, devient boueux, et les randonneurs, pour éviter la boue, créent de nouvelles traces parallèles, aggravant encore le problème.

Cette érosion n’est pas qu’un enjeu esthétique. Elle entraîne la perte de sol fertile, expose les racines des arbres et, surtout, charrie des sédiments dans les cours d’eau et les lacs, affectant la qualité de l’eau et la vie aquatique. La popularité d’un lieu comme le Mont-Tremblant signifie que des milliers de pas martèlent le même sol chaque jour. L’impact n’est plus linéaire, il est exponentiel. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de gestionnaires de parcs doivent prendre des mesures drastiques.

Par exemple, pour contrer ce phénomène, certaines municipalités adoptent une gestion adaptative. La Ville de Mont-Tremblant a mis en place un système de fermeture préventive des sentiers basé sur les conditions météorologiques. Les sentiers ferment automatiquement dès qu’une accumulation de 5 mm de pluie sur 24 heures est enregistrée. Ils ne rouvrent que 12 heures après la fin des précipitations, le temps que le sol se draine. Cette approche, bien que contraignante, est une reconnaissance que la nature a ses limites et que notre accès doit parfois être mis sur pause pour assurer sa pérennité.

Comment pratiquer les 7 principes Sans trace en camping sauvage au Québec ?

Les sept principes Sans trace constituent la grammaire de base de tout amoureux de la nature. Ce ne sont pas des règles rigides, mais un cadre de pensée qui nous aide à prendre les bonnes décisions sur le terrain. Les appliquer en camping sauvage au Québec demande une adaptation à nos écosystèmes spécifiques, de la forêt boréale aux toundras du Grand Nord. Il s’agit de développer une véritable intelligence du terrain pour minimiser son empreinte.

Le premier principe, « Se préparer et prévoir », est sans doute le plus important. Au Québec, cela signifie consulter les règlements du parc ou de la ZEC (Zone d’exploitation contrôlée) que vous visitez, mais aussi vérifier les avis d’interdiction de feux de la SOPFEU. Utiliser les surfaces durables prend tout son sens sur le Bouclier canadien : campez sur le roc nu, la neige ou les lits d’aiguilles de pin secs plutôt que sur la fragile mousse ou les lichens qui peuvent prendre des décennies à se régénérer. La gestion des déchets, quant à elle, inclut la gestion des déchets humains. Creuser un trou sanitaire à 60 mètres (environ 70 pas) de tout cours d’eau est une règle d’or pour protéger la qualité de nos lacs et rivières.

Campeur appliquant les principes Sans trace dans la forêt boréale québécoise
Written by Isabelle Dufour, Isabelle Dufour est experte en tourisme durable et développement agrotouristique depuis 14 ans, titulaire d'un baccalauréat en gestion et intervention touristiques de l'UQAM et de certifications en tourisme responsable, actuellement conseillère en développement touristique pour une association touristique régionale de Charlevoix. Elle accompagne les entrepreneurs touristiques dans la conception d'expériences authentiques et durables, et possède une expertise reconnue en agrotourisme, écotourisme et mise en valeur des terroirs québécois.