Published on May 17, 2024

Votre voiture n’est pas une source de liberté, mais un actif financier qui vous coûte près de 12 000 $ annuellement au Québec.

  • Le coût réel d’une voiture dépasse largement les paiements mensuels, incluant des frais cachés et sociétaux importants.
  • Construire un “portefeuille de mobilité” (transport en commun, autopartage, vélo) est plus flexible et rentable que la possession unique d’une auto.

Recommandation : Réalisez un audit de vos déplacements sur un mois pour identifier les trajets où la voiture est superflue et calculez le rendement financier de son remplacement.

Pour de nombreux Québécois, la voiture est synonyme de liberté. C’est l’outil qui permet de faire l’épicerie, de se rendre au travail ou de s’évader le week-end. Pourtant, chaque mois, le relevé de compte raconte une autre histoire : des centaines de dollars en paiements, assurances, essence et stationnement, une somme qui peut facilement atteindre 800 à 1000 $. Vous vous sentez peut-être prisonnier de ce modèle, conscient de son poids financier et écologique, mais sceptique face aux alternatives.

Les conseils habituels — “prenez le bus” ou “faites du vélo” — sonnent souvent creux face aux réalités d’un hiver rigoureux ou d’une vie en banlieue. Ils ignorent la complexité de vos besoins et la valeur que vous accordez à la flexibilité. Mais si la véritable clé n’était pas de renoncer à la mobilité, mais de la réinventer ? Si l’on arrêtait de voir la voiture comme une obligation pour la considérer comme un actif financier ? Et si cet actif était, pour la majorité des usages, largement sous-performant ?

Cet article n’est pas un manifeste anti-voiture. C’est une analyse pragmatique, chiffres à l’appui, pour vous aider à évaluer la pertinence de votre “actif de mobilité” actuel. Nous allons décortiquer les coûts réels, explorer des stratégies de transition réalistes et vous montrer comment construire un portefeuille de solutions de transport qui vous rendra non seulement plus riche et plus écologique, mais paradoxalement, plus libre.

Pour vous guider dans cette réflexion stratégique, cet article est structuré pour répondre progressivement à toutes vos interrogations, du calcul des coûts réels aux solutions concrètes adaptées à votre lieu de vie au Québec.

Pourquoi votre auto vous coûte réellement 12 000 $CAD/an au Québec ?

Le premier obstacle à un changement de comportement est la sous-estimation du coût réel de possession d’un véhicule. On pense au paiement mensuel et à l’essence, mais on oublie un ensemble de frais qui, une fois additionnés, révèlent une charge financière colossale. Le calcul de base est souvent trompeur. Si l’on se fie aux données générales, le coût de possession et d’utilisation d’une voiture compacte s’élève déjà à près de 9 500 $ par année selon CAA-Québec. Ce chiffre, déjà conséquent, ne représente que la pointe de l’iceberg.

La vérité est plus brutale lorsqu’on intègre les coûts cachés et les externalités. Une analyse approfondie du système automobile québécois révèle que chaque citoyen, qu’il soit automobiliste ou non, débourse indirectement une somme considérable. En effet, chaque Québécois paie en moyenne 5 271 $ par an pour maintenir l’ensemble de l’écosystème automobile (entretien des routes, services d’urgence, impacts sur la santé publique). Pour un ménage de deux adultes, cette charge collective implicite s’ajoute aux frais directs, propulsant le coût total bien au-delà de 12 000 $ par an.

Ce chiffre n’est pas une abstraction. Il représente un potentiel d’épargne, d’investissement ou de consommation non réalisé. C’est l’équivalent de vacances majeures, d’un apport conséquent pour une propriété ou d’une solide cotisation à un REER, sacrifié chaque année pour un actif qui reste immobile la plupart du temps. Pour prendre la pleine mesure de cette réalité, un audit personnel est indispensable.

Votre plan d’action pour calculer le coût réel de votre véhicule

  1. Chiffrez les coûts directs : Utilisez un outil comme le calculateur de CAA-Québec pour votre modèle spécifique afin d’établir une base (paiements, assurance, essence).
  2. Intégrez les spécificités québécoises : Ajoutez les frais annuels de la SAAQ (immatriculation), l’achat et la pose des pneus d’hiver obligatoires et les coûts de stationnement (vignette ou garage).
  3. Calculez la dépréciation : C’est le coût le plus important et le plus invisible. Estimez une perte de valeur de 30% la première année et jusqu’à 50% après trois ans sur le prix d’achat.
  4. Quantifiez les “coûts invisibles” : Estimez la valeur du temps perdu dans la congestion et le stress associé. Bien que non monétaire, ce coût affecte votre qualité de vie.
  5. Comparez avec un budget alternatif : Simulez un budget mensuel basé sur un “portefeuille de mobilité” (ex: 100$ pour l’abonnement OPUS, 50$ pour Communauto, 20$ pour BIXI) et mesurez l’écart.

Prendre conscience de ce “coût de possession dormant” est la première étape pour transformer une dépense passive en un levier d’action financière et écologique.

Comment tester la vie sans voiture pendant 3 mois au Québec ?

L’idée de se séparer de sa voiture peut sembler radicale et anxiogène. Plutôt qu’un saut dans le vide, l’approche la plus pragmatique consiste à mener une expérimentation contrôlée. Un “projet pilote” de 90 jours vous permet de tester la viabilité d’un mode de vie sans voiture personnelle dans votre contexte, sans engagement définitif. Cette période est suffisamment longue pour couvrir différents scénarios (mauvais temps, grosses courses, rendez-vous imprévus) et pour laisser le temps aux nouvelles habitudes de se former.

L’objectif n’est pas de souffrir, mais de découvrir un nouvel écosystème de mobilité. La clé du succès réside dans la préparation. Avant même de ranger vos clés de voiture, il est essentiel d’auditer vos besoins et de vous équiper des outils qui formeront votre futur portefeuille de mobilité. Cela inclut l’inscription aux services d’autopartage comme Communauto, l’achat d’une carte OPUS pour le transport en commun et, si la saison le permet, l’abonnement à un service de vélopartage comme BIXI. Cette phase préparatoire transforme l’expérience d’une privation en une découverte de nouvelles options.

Cette transition est vécue par un nombre croissant de Québécois, y compris en dehors de l’hypercentre de Montréal. Comme le résume bien un témoignage d’un résident de la ville de Québec :

Sans auto depuis notre arrivée à Québec, on se déplace essentiellement à pied, à vélo, en bus ou avec Communauto (une solution d’autos partagées).

Pour structurer votre test, un plan d’action en trois phases est recommandé :

  1. Mois 1 : Phase d’Audit et d’Intégration. Continuez à utiliser votre voiture, mais pistez chaque déplacement : motif, distance, heure. En parallèle, inscrivez-vous aux services essentiels (Communauto, carte OPUS, BIXI) et faites quelques trajets tests “pour le plaisir” afin de vous familiariser avec leur fonctionnement.
  2. Mois 2 : Phase de Substitution. Pour chaque type de trajet identifié (travail, épicerie, loisir), forcez-vous à utiliser une alternative au moins une fois. Testez l’épicerie avec un chariot de magasinage, le trajet vers le travail en transport en commun, une sortie chez des amis en Communauto. Notez les points de friction et les bonnes surprises.
  3. Mois 3 : Phase d’Immersion. Remisez temporairement votre véhicule (si possible) ou confiez les clés à un proche. Vivez exclusivement avec votre portefeuille de mobilité. À la fin du mois, faites le bilan : calculez les économies réelles, évaluez votre niveau de satisfaction et identifiez les quelques rares trajets où la voiture personnelle vous a vraiment manqué.

Ce processus démystifie la dépendance à l’automobile et fournit des données concrètes pour prendre une décision éclairée, basée non plus sur la peur du manque, mais sur votre expérience réelle.

Vélo, métro ou Communauto : quelle combinaison pour vos déplacements montréalais ?

À Montréal, la densité des services de mobilité durable offre une opportunité unique de composer un “portefeuille de mobilité” extrêmement performant. L’erreur serait d’opposer les modes de transport (vélo vs métro) alors que leur force réside dans leur complémentarité. La véritable optimisation vient de l’arbitrage de mobilité : choisir le bon outil pour chaque trajet spécifique, en fonction du coût, du temps, de la météo et du type de déplacement. C’est cette stratégie de combinaison qui permet de couvrir la quasi-totalité des besoins sans posséder de voiture.

Le socle de ce portefeuille est souvent l’abonnement mensuel au transport en commun (STM). Pour un coût fixe, il offre des déplacements illimités et fiables sur un vaste territoire, agissant comme une assurance mobilité de base. D’avril à novembre, le vélo (personnel ou BIXI) devient un complément idéal pour les trajets courts, les “derniers kilomètres” entre une station de métro et la destination finale, tout en offrant des bénéfices pour la santé. Enfin, l’autopartage avec Communauto joue le rôle du “joker” : c’est la solution sur demande pour les trajets impossibles autrement, comme le transport d’objets volumineux ou les escapades hors de l’île.

Station de vélos partagés près d'une entrée de métro montréalais avec une voiture Communauto en arrière-plan
Written by Antoine Lefebvre, Antoine Lefebvre est urbaniste et expert en mobilité durable depuis 12 ans, membre de l'Ordre des urbanistes du Québec, titulaire d'une maîtrise en urbanisme de l'Université de Montréal et actuellement conseiller en aménagement et transport durable pour une firme d'urbanisme montréalaise. Il conçoit des plans de mobilité active, des stratégies de densification autour des transports collectifs et accompagne des municipalités dans leur transition écologique urbaine.